Les 10 moments-clés de World of Warcraft

Le site Eurogamers avait consacré l'été dernier deux excellent articles au making-of de World of Warcraft (Partie 1 - Partie 2). A l'occasion du 5ème anniversaire, la rédaction revient sur les 10 moments-clés qui ont marqués l'histoire du jeu, depuis 2005. En voici les extraits les plus intéressants ; je vous recommande toutefois la lecture de l'article complet.

2005 : le sang contaminé
C'était une simple erreur, une idée de conception délibérée qui déborda de son cadre et tourna à la folie furieuse. En septembre 2005, le patch 1.7 : Rise of the Blood God introduisit le donjon de raid Zul'Gurub. Le boss de fin, Hakkar, infectait les joueurs d'un virus appelé « le sang contaminé » qui allait leur causer des dégâts au fil du temps et qu'ils allaient transmettre aux autres joueurs proches. C'était une des caractéristiques de ce combat de boss, rien d'autre. Il n'avait jamais été prévu que cela quitte le périmètre de sécurité de cette instance.
C'est pourtant ce qui s'est passé. Sur certains serveurs, des joueurs exploitèrent la téléportation pour transporter le « sang contaminé » de la jungle éloignée de Zul'Gurub aux centres urbains importants du jeu. Le virus se répandit comme une traînée de poudre, tuant les personnages de bas niveau en quelques secondes. Le gameplay normal était complètement bousillé ; certains joueurs prirent un malin plaisir à répandre le virus, tandis que d'autres cherchaient à le soigner avec les moyens du bord, prenant sur eux-mêmes pour soigner les malades. Finalement, Blizzard fut contraint à une remise à zéro radicale des serveurs infectés pour le tuer.
L'infection du « sang contaminé » a depuis servi de modélisation pour l'étude de la transmission des épidémies dans le monde réel – à laquelle elle ressemble beaucoup – et a donné lieu à des comparaisons avec le terrorisme dans la façon dont certains joueurs avaient choisi de la répandre. Ce fut un événement si dramatique que Blizzard chercha à le reproduire, notamment avec la peste zombie qui annonçait le lancement de la seconde extension « La Colère du Roi Liche ». Malgré tout, ce fut à la vérité la première et la dernière fois où le monde d'Azeroth de WOW provoqua lui-même des morts.

2005 : Leeroy Jenkins
2005 vit cependant une autre épidémie virale ayant un rapport avec WOW, mais celle-ci ne se répandit que dans le monde relativement sûr de l'Internet lui-même. Hurlant son propre nom avec une stupidité héroïque, un joueur appelé Leeroy Jenkins chargea sans faire attention au danger dans une pièce pleine de bébés dragons dans le donjon du Pic Rochenoire supérieur et provoqua la mort sans gloire de son groupe tout entier.
Cette séquence prise en vidéo et mise en ligne déchaîna une avalanche de sarcasmes goguenards sur les forums de WOW. Cette séquence se répandit d'abord parmi la communauté du jeu et ensuite au-delà, pour s'échapper finalement des confins de l'Internet et gagner les médias nationaux et internationaux. Leeory devint une sorte de héros légendaire de WOW. Son nom et son exploit débile sont immortalisés comme un haut fait du jeu et un titre ; son image a rejoint le bestiaire des héros et des méchants des cartes à échanger et des miniatures de WOW ; le joueur possédant le personnage, Ben Schultz, fait désormais des apparitions publiques lors des conventions.
Si l'on n'y songe bien, l'énorme popularité de la vidéo n'est pas si facile à expliquer. Elle est cocasse de par sa stupidité, mais elle ne prend tout son relief que dans le petit monde cloisonné du raid. Pourtant, une fois de plus, il n'est nul besoin de comprendre comment fonctionnent les donjons de WOW pour réaliser l'énormité de son erreur, son inconscience bravache, et le fait qu'il est là pour s'amuser sans prendre le jeu trop au sérieux. Schultz a fait une publicité incalculable à Blizzard, pas seulement parce qu'il a fait parler du jeu, mais aussi parce qu'il a montré que WOW pouvait être une déconnade entre amis et pas seulement une affaire de puristes obsédés des détails. À ce jour, le personnage joueur le plus célèbre n'est pas un chef de guilde auréolé de succès ou un héros d'élite du PVP, mais juste un idiot du village bête à manger du foin, comme le reste d'entre nous : un homme ordinaire.

2006 : L'Ombre de la Nécropole
S'il y a un domaine où Blizzard tombe vraiment juste, ce sont les donjons. Bien qu'il y en ait maintenant des douzaines dans le jeu, les mauvais se comptent sur les doigts d'une seule main et certains des tout premiers – Monastère écarlate, Ombrecroc, Coeur de Magma – sont aussi ceux dont on se rappelle le plus tendrement.
Il n'a pas fallu longtemps pour qu'ils atteignent leur apothéose. Naxxramas était un raid pour 40 joueurs, introduit dans le patch 1.11 : L'Ombre de la Nécropole en juin 2006. Cette ville des morts flottant dans les airs était un morceau de bravoure qui mit la barre encore plus haut pour la conception des RPG multijoueurs, à tel point que même Blizzard a eu de la peine à l'égaler. Les 15 rencontres de boss – soigneusement réparties entre quatre ailes et une zone centrale à deux niveaux pour finir - étaient aussi complexes, variées et mémorables que n'importe quoi dans une aventure de Zelda ou un shoot'em up Treasure, mais coordonnées pour le jeu en coopération sur la plus grande des échelles : le quadrille de Heigan, les missions multiples des Quatre Cavaliers, la guerre de siège échevelée de Kel'Thuzad.
Le problème fut que seule une infime partie de l'immense public de World of Warcraft eu l'occasion de voir l'intérieur de Naxxramas, et encore moins le réussirent. Sous sa forme originale, Naxxramas était d'une difficulté jamais égalée, et il imposait des exigences extrêmement rigoureuses en matière d'organisation de guilde et de matériel. Il prouva à la fois à quel point les raids de WOW pouvait être géniaux, et à quel point ils pouvaient être intimidants, réservés à une élite et inaccessibles. Pour ses développeurs, ce fut à la fois un zénith et un nadir et il n'allait plus jamais refaire un autre raid pour 40 joueurs. Blizzard a progressivement baissé la barre pour les raids jusqu'à ce que Naxxramas lui-même soit recréé pour devenir un raid « de bas niveau » pour des groupes de 10 ou 25 joueurs dans « La Colère du Roi Liche » – une décision populiste dont se plaignent toujours certains joueurs, mais qui a probablement changé pour de bon la structure élitiste des MMO.

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2009 : le changement de faction, tabou ultime

2009 dans le jeu : le changement de faction – le tabou ultime
Au milieu d'un enthousiasme général confinant à l'euphorie lors du BlizzCon 2009, les fans de World of Warcraft firent état de leur mécontentement vis-à-vis d'une nouvelle fonction spécifique en des termes sans équivoque. Toute mention de l'arrivée imminente du service « Changement de faction » fut accueilli par un concert de sifflets.
Comme l'a révélé Tom Chilton dans son article sur le making of de WOW, diviser le jeu entre les factions Horde et Alliance fut une des décisions les plus controversées du développeur, mais aussi l'une de celle qui connut le plus franc succès. Délibérément provocatrice et confortée par des races fortement caractérisées, la division – qui coupait même la communication entre les factions, les dialogues des joueurs étant traduits par le jeu en un baragouin incompréhensible – offrait aux joueurs de la rivalité et de l'orgueil ainsi qu’un sentiment d'appartenance, même à ceux n'ayant ni amis et ni guilde. Cela renforçait incommensurablement l'immersion. Vous apparteniez soit à l'Alliance, soit à la Horde, et, même s'il était possible de tirer un personnage dans l'autre camp pour essayer ses quêtes, cela ne changerait jamais.
Cela explique pourquoi le service apparemment anodin qui permet désormais de faire passer un personnage d'une faction à l'autre, en changeant sa race dans le processus, déchaîne une telle vindicte. En dépit des plaintes des joueurs, il ne détruira pas les communautés. Il ne sera probablement utilisé que par une faible minorité. Son prix de 30 $ le rend trop cher pour qu'on en abuse. C'est un service approprié à proposer dans un jeu vieux de cinq ans où vos amis ont peut-être changé. Malgré tout, symboliquement... c'est une trahison des principes fondateurs du jeu. La chose remarquable, bien entendu, c'est qu'un jeu sur ordinateur puisse mettre les gens dans des états pareils à propos de problèmes d'identité culturelle.

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